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Notes transmitted by the Parliaments represented in the Working Group
FRANCE
Assemblée Nationale
Contribution française
Groupe de travail sur la qualité de la législation
A travers la présente contribution, l'Assemblée nationale considère que la
question de la qualité de la législation doit être abordée sous l'angle de
ses enjeux juridiques et politiques et non pas seulement techniques. Elle expose,
en second lieu, les principales réformes qu'elle a mises en œuvre afin d'améliorer
la qualité de la législation française. Elle récapitule, dans une troisième
partie, les observations formulées au cours des diffé-rentes réunions du
groupe de travail.
I. - UN ENJEU JURIDIQUE ET POLITIQUE
La qualité de la législation souffre, dans tous les pays de l'Union
européenne, de la concomitance des trois phénomènes présentés ci-après.
Tout d'abord, la loi change de nature et exerce des fonctions nouvelles. Elle
n'est plus seulement la norme impérative qui régit le bon fonctionnement de la
société mais, plus largement, le vecteur au moyen duquel les pouvoirs publics
répondent aux diffi-cultés et aux attentes du corps social : l'intervention du
législateur est requise pour des questions non seulement juridiques et
politiques mais également symboliques, notam-ment sur les problèmes dits
" de société ". Cette altération de la fonction traditionnelle de
la loi s'inscrit, en outre, dans un contexte où le contrat devient un mode
usuel d'organisation des rapports sociaux et où la régulation tend à prendre
le pas sur la norme impérative comme levier d'action publique.
Par ailleurs, les Parlements sont souvent invités à légiférer dans l'urgence,
du fait de l'acuité des problèmes sur lesquels ils interviennent, qui exigent
des réponses rapides, et de la pression du temps dans des sociétés
sur-médiatisées.
Enfin, la loi tend à devenir de plus en plus complexe, en raison de la
coexistence, dé-sormais acquise, de différents niveaux d'autorités normatives
(local, national et supra-national), et de l'apparition de nouveaux enjeux
sociaux, économiques, technologiques et scientifiques.
Dès lors, le constat est souvent fait que les Parlements légifèrent trop, et
vite, et mal.
Ce problème pourrait n'être qu'un objet d'étude intéressant pour les
universitaires et les spécialistes de l'ingénierie parlementaire. Mais il
recouvre une dimension juridique et politique qui n'est pas suffisamment mise en
exergue.
La qualité de la législation s'impose, en effet, comme une véritable règle
de droit qui peut entraîner, dès lors qu'elle n'est pas respectée,
l'annulation de la disposition législa-tive qui lui est contraire.
L'effectivité, à cet égard, du contrôle constitutionnel français, est bien
connue, en particulier par les spécialistes du droit pénal (le législateur
doit défi-nir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour
exclure l'arbitraire) et fiscal (le législateur doit également définir avec
précision et sans méconnaître sa compé-tence les règles d'assiette, de taux
et de recouvrement) : l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi est un
objectif de valeur constitutionnelle (décision n° 99-421 DC du 16 décembre
1999). Le Parlement européen a indiqué que la loi doit être " claire,
sim-ple, et précise " (accord institutionnel du 22 décembre 1998), et la
Cour européenne des droits de l'homme " accessible, précise et
prévisible ".
Sur le plan politique, comment ne pas comprendre que la dégradation de la
qualité de la législation favorise le dessaisissement du politique au profit
des " experts " et qu'une loi inapplicable, ou inadaptée, car
insuffisamment préparée, ou décalée par rapport à la réalité, est souvent
perçue comme une marque supplémentaire de l'isolement du politi-que. En fait,
c'est la crédibilité de l'institution parlementaire dans sa fonction de
repré-sentation qui est en cause, au moment où celle-ci est concurrencée par
d'autres intermé-diaires - on peut évoquer les médias - et soumise à la
pression des circuits d'expression directe dont les forums de discussion "
en ligne " sont un avatar. Outre la démobilisa-tion de l'institution, la
mauvaise qualité de la législation entraîne celle des hommes car un député
dépassé par la complexité des enjeux qui lui sont soumis est aussi, souvent,
un député absent. En définitive, ce qui est en jeu est un aliment de
l'antiparlementarisme ; quand celui-ci progresse, c'est la démocratie qui
régresse.
C'est en raison de cette double dimension, juridique et politique, que
l'Assemblée nationale a procédé, récemment, à un certain nombre de
réformes destinées à améliorer la qualité de la législation française,
et, du fait de l'identité des termes du débat au sein de l'Union européenne,
qu'elle a accepté de participer au groupe de travail mis en place par la
Conférence des présidents.
II. - LES REFORMES MISES EN ŒUVRE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE
Initiées au cours des années 1980 et, surtout, 1990, ces réformes sont
destinées à ren-forcer les capacités d'expertise de l'Assemblée nationale,
à améliorer les conditions de son contrôle de l'action gouvernementale et à
accroître la transparence de ses activités. La présentation qui suit a
vocation à compléter la note relative aux principales étapes de la procédure
législative française, qui figure en annexe.
- Renforcer ses capacités d'expertise
Dès 1983 (loi n° 83-609 du 8 juillet 1983), l'Assemblée nationale et le
Sénat ont mis en place, conjointement, un " Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ". Deux autres
offices ont été crées par la suite, sur l'évaluation de la législation,
d'une part, et des politiques publiques, d'autre part (lois n°s 96-516 et
96-517 du 14 juin 1996).
En 1998 (circulaire du 26 janvier), le Gouvernement a prévu que désormais, des
étu-des d'impact, destinées à évaluer " les effets administratifs,
juridiques, sociaux, écono-miques et budgétaires des mesures envisagées
", devront systématiquement accompa-gner les projets de loi, d'ordonnance
et de décret en Conseil d'Etat : la version finale des études relatives aux
projets de loi est transmise au Parlement.
En 1999, c'est une Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) qui a été
créée au sein de la commission des finances : animée par son Rapporteur
général, co-présidée par son Président et par un membre de l'opposition,
cherchant à travailler de façon non parti-sane et transparente, en liaison
avec la Cour des comptes, la MEC a vocation à contrôler la dépense publique
et à évaluer son efficacité. En outre, la commission des finances étudie
actuellement la possibilité de se doter d'un modèle de microsimulation des
politi-ques économiques, fiscales et sociales.
En 1999 toujours, une mission d'appui statistique aux travaux de l'Assemblée
natio-nale (antenne de l'Institut national de la statistique et des études
économiques - INSEE -) a été mise en place.
- Améliorer le contrôle de l'action gouvernementale
Le contrôle de l'action du Gouvernement a été renforcé au moyen, notamment,
des commissions d'enquête, qui sont un instrument indispensable à l'exercice
de cette mis-sion et dont la place devrait continuer à s'accroître ; de la MEC
(voir supra) ; de la Délé-gation pour l'Union européenne, créée en 1979, et
de l'utilisation de l'article 88?4 de la Constitution, introduit à l'occasion
de la réforme constitutionnelle consécutive à la mise en œuvre du traité de
Maastricht, qui permet au Parlement d'exprimer son avis sur les propositions
d'actes communautaires qui ont une incidence législative. L'Assemblée
na-tionale a également engagé une réflexion tendant à réviser les textes
relatifs aux lois de finances de façon à rénover l'exercice du pouvoir
financier par le Parlement et permet-tre une amélioration de la gestion
publique.
- Accroître la transparence de ses activités
Les sites Internet des assemblées parlementaires ont été considérablement
renforcés sur la période récente. A cet égard, on signalera qu'une
commission d'enquête (sur la transparence et la sécurité sanitaire de la
filière alimentaire en France) a récemment ou-vert, pour la première fois, un
forum Internet destiné à permettre à toute personne inté-ressée de faire
connaître directement ses sentiments à la représentation nationale. La
création de La Chaîne parlementaire (LCP), qui retransmet, depuis le mois de
mars der-nier, sur le câble et le satellite, les activités de l'Assemblée
nationale et du Sénat, favo-rise également la transparence et la connaissance
de leurs travaux, donc la démocratie. La réalisation, désormais annuelle, par
l'Assemblée nationale, d'un " rapport d'activité ", s'inscrit dans
le même esprit.
III. - LE DIALOGUE INTER-PARLEMENTAIRE POUR AMELIORER LA QUALITE DES
LEGISLATIONS DE FAÇON SOUPLE ET VOLONTAIRE
L'Assemblée nationale a formulé, à propos des différents projets de document
conclusif et/ou de mémorandum préparés par la Chambre italienne des
députés, un cer-tain nombre d'observations qui sont résumées ci-après.
1. De manière générale, elle a toujours jugé préférable que les
initiatives mises en œuvre par les différents Parlements pour améliorer la
qualité de leur législation soient présentées pays par pays, plutôt que de
chercher à établir une liste unique de " recommandations " valables
pour tous. Chacun doit rester libre de s'inspirer, le cas échéant, des
solutions retenues par ses partenaires. Il convient de ne pas sous-estimer la
dimension nationale de la problématique, qui tient, notamment, au caractère
unitaire ou fédéral des Etats, à leur perception et à leur approche de la
construction européenne et, bien sûr, à la place du Parlement dans leurs
institutions. De ce point de vue, le renfor-cement de la capacité de contrôle
et d'évaluation, tant ex ante qu'ex post, des Parle-ments ont un impact direct
sur leur " performance législative ", étant entendu que la
dé-termination de ces prérogatives relève des compétences nationales.
Pour toutes ces raisons, l'Assemblée nationale a émis des doutes, à
l'occasion de la réunion de Florence des 16 et 17 juin 2000, quant à
l'opportunité de faire figurer, dans le document final, les deux
recommandations suivantes proposées dans le projet de mémorandum :
- celle de limiter les débats en séance plénière " aux questions de
plus grand inté-rêt pour l'opinion publique ". Ce choix paraît relever
de l'appréciation individuelle des différents Parlements ; au demeurant, la
sélection des sujets susceptibles d'intéresser l'opinion publique est
subjective, elle pourrait sous-estimer le point de vue des " minorités
" ;
- celle d'ouvrir au public et aux médias les travaux des commissions.
L'hémicycle peut être considéré comme le lieu du débat public et les
commissions comme des ré-unions préparatoires ; la transparence des travaux
des commissions est souhaitable et nécessaire mais elle doit être maîtrisée,
sous peine d'appauvrir le débat qui s'y tient et de le voir se déplacer vers
d'autres enceintes.
2. En second lieu, si l'utilité de rechercher des synergies et de renforcer les
échanges d'informations entre les Parlements n'est plus à démontrer, une
démarche souple, voire informelle, et non pas institutionnelle, devrait être
privilégiée. Dans un premier temps, des solutions concrètes et relativement
accessibles pourraient être étudiées :
- si l'on peut émettre quelques réserves sur l'effet des échanges
institutionnels glo-baux, l'approfondissement des contacts entre organes
spécialisés des Parlements natio-naux (et du Parlement européen) est, en
revanche, une piste plus prometteuse. Il pourrait s'agir, par exemple, de
rencontres entre membres de commissions législatives concer-nées par des
sujets semblables permettant de confronter, sur un sujet particulier, les
ap-proches sur le fond mais aussi sur les techniques législatives ;
- dans le même esprit, des échanges accrus de fonctionnaires entre les
Parlements de l'Union européenne (comme cela existe entre l'Assemblée
nationale et le Bundestag) ainsi que, le cas échéant, avec certaines
organisations internationales, pourraient amélio-rer la connaissance et donc la
diffusion des pratiques et des réformes mises en œuvre par les uns et les
autres ;
- enfin, les nouveaux moyens technologiques offrent des possibilités qu'il
conviendrait de mieux exploiter. Le rapprochement et l'harmonisation des
réseaux In-ternet, voire la mise en place d'un réseau Intranet, évoqués par
la Chambre italienne des députés, pourraient faire l'objet d'une étude de
faisabilité. Mais la télévision reste un outil privilégié en raison de sa
diffusion auprès du plus large public. Les chaînes de té-lévision
parlementaires, quand elles existent, pourraient utilement consacrer une partie
de leurs programmes à l'activité des Parlements de l'Union européenne ainsi
que du Parlement européen lui-même.
3. Enfin, il convenait de ne pas accréditer l'idée selon laquelle légiférer
serait la seule mission du Parlement et n'aurait qu'une portée normative. C'est
la raison pour la-quelle l'Assemblée nationale avait suggéré de compléter le
mémorandum par quelques lignes introductives : " Les missions du Parlement
ne se résument pas à l'élaboration de la législation : elle comprennent
également le contrôle de l'action du Gouvernement et de l'administration, et
la représentation des demandes et des aspirations de la société civile. Cela
étant, légiférer reste l'acte majeur du Parlement. Or, la nature de la loi
évolue car sa portée n'est plus seulement normative, et les conditions de son
élabora-tion sont de plus en plus complexes. Dans ce contexte, il était
essentiel, pour les Parle-ments de l'Union européenne, de réfléchir à "
l'amélioration de la qualité de la législa-tion ", qui doit toujours
être, comme l'ont dits le Parlement européen et la Cour européenne des droits
de l'homme, " claire, simple, et précise ".
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