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 Intervento del Presidente del Senato belga, Armand de  Decker

 La qualité de la legislation: role du Senat de Belgique

Chers Collègues,
Neuf des quinze Etats membres de l'Union européenne sont dotés d'un parlement bicaméral. Il y a, parmi ces neuf Etats, de grands Etats et de petits Etats des Etats fédéraux et des Etats unitaires, des monarchies parlementaires et des républiques. Il s'avère non seulement que la formule bicamérale a conservé sa souplesse et son efficacité, mais aussi qu'elle connaît un regain de fortune à l'aube du nouveau millénaire. A preuve, le fait qu'un nombre croissant de pays se dotent d'un système bicaméral.
Au mois de mars, le Sénat français a organisé un Forum des Sénats du monde au cours duquel l'on s'est demandé ce qui pourrait expliquer cette évolution.
En effet, la renaissance du système bicaméral n'était pas une chose évidente. Le système bicaméral n'a pas été à l'abri de toute critique. La double lecture systématique de l'ensemble des textes était de plus en plus ressentie comme une perfe de temps et de moyens. C'est une critique typique de nos jou rs où toute activité humaine est mesurée en termes de productivité et de rapidité.
Les causes de cette vitalité nouvelle du bicamérisme sont multiples. Un élément fondamentaI est la conviction que le bicamérisme apparaît comme un gage d'efficacité par sa fonction d'amélioration de la production législative. Voilà, chers Collègues, le trait du modèle bicaméral que yaimeraîs développer plus en détail en partant de l'expérience belge récente.
Depuis sa création, la Belgique a connu un système bicaméral, la Chambre de représentants et le Sénat se trouvant sur un pied d'égalité. La transformation de l'Etat belge en un état féderal a entraîné en 1993 une redéfinition des attributions du Parlement. Les deux lignes directrices de cette réforme sont, d'une part, la représentation des entités fédérées au sein du Sénat, et, d'autre part, la transformation de ce même Sénat en une chambre de réflexion pour la procédure législative.
Dans cet ordre d'idées, le Sénat est appelé à veiller à la qualité des lois, à enquêter sur les grandes questions d'intérêt public, à évaluer l'efficacité de la législation. Sa place originale dans les institutions belges permet au Sénat d y englober ses fonctions de législateur dans une vision plus large. En amont de la loi par une réflexion prospective, et en aval par le contrôle de son application.
Le Sénat focalise son activité législative en grande partie sur l'examen de textes législatifs qui ne parviennent plus à passer le cap de commissions de la Chambre encombrées par d'autres problèmes. L'exemple typique est le délicat problème de la bioéthique: comment concilier le développement des sciences et des techniques, la dignité de l'homme et les principes de la démocratie? Mais il y a d'autres exemples: la problematique de la fin de vie, la traite des êtres humains, la pauvretélét, l'exclusion sociale. Mais aussi la construction européenne.
S'ajoute à cela l'ambition du Sénat d'enquêter sur les grandes questions d'intéret public. Du fait de l'extrême complexité de la réalité sociale, il est de plus en plus difficile d'apporter une réponse simple aux problèmes de société, Le vieillissement des populations, le chômage, la criminalité organisée, lIntégration européenne sont autant de questions que l'on ne peut pas traiter sur des impressions vagues ou des intuitions. Les réponses que le législateur apporte d'ordinaire à ces questions sont à cet égard trop symptomatiques. Pareils problèmes demandent une approche globale, bien réfléchie, étayée par des faits objectifs et par une concertation avec les groupes concernés.
Le Sénat belge a estimé devoir accorder aussi, dans son rôle de chambre de réflexion, une attention particulière à la qualité de la législation.
«La loi ordonne, permet ou interdit.», a écrit Jean Portalis. Combien de nos lois répondraient encore à cette sobre définition? Les lois sont souvent rédigées dans la hâte et leur qualité rédactionnelle en souffre. Elles se combinent parfois difficilement entre elles, quand elles ne se contredisent pas. Certaines législations sont modifiées continuellement. La stabilité n'est plus garantie. Francis Bacon a écrit que «la certitude est la première dignité de la loi». Cette vérité de bon sens échappe trop souvent à tous ceux qui président à la confection des lois.
S'ajoute à cela que le législateur jouit de moins en moins d'un pouvoir discrétionnaire. Il existe dans la société une tendance générale et saine à demander des comptes à tout qui exerce un pouvoir quelconque, D'où la responsabilisation de l'administration, du pouvoir judiciaire et du pouvoir législatif. Ce mouvement de désacralisation de la loi s'est manifesté concrètement en Belgique par la création d'une Cour d'arbitrage, qui dispose du pouvoir d'annulation des lois, mais également par les demandes de l'opinion publique. L'activité du législateur doit se plier progressivement à un minimum de rationalité et de méthode, au risque d'être contestée.
On ne définit cependant plus une bonne législation au seul regard de sa qualité rédactionnelle - la légistique formelle - ou des exigences classiques de sécurité juridique et d'égalité. On attend du législateur qu'il définisse clairement les objectifs de son intervention et qu'il analyse les effets de l'application des lois.
En plus on pourrait s'efforcer d'inventorier et de coordonner les multiples informations sur les conditions d'application et les effets de la loi que produit déjà, directement ou indirectement, l'activité parlementaire: les enseignements qu'il est possible de déduire des interpellations et questions parlementaires, des activités déployées par les commissions d'enquête, les renseignements contenus dans les très nombreux rapports qui doivent être régulièrement remis au Parlement. A côté de ces données, il existe également de multiples informations recueillies à l'initiative de chercheurs ou d'institutions. Le législateur dispose dès lors déjà d'une base de données précieuse qui n'est cependant pas suffisemment utilisée car elle est désordonnée.
C'est pourquoi, dans le cadre de son rôle de chambre de réflexion, le Sénat belge a décidé de conférer à l'avenir un caractère structuré à l'évaluation de la législation et d'on faire une mission importante et permanente. Le Sénat a donc décidé l'ans dernier de se doter d'un service d'évaluation de la législation en projet et de la législation existante à la lumière des exigences que j'ai mentionnées.
Cette intensification de la rationalité peut trouver à s'intégrer tout au long du processus législatif. Elle ne porte cependant que sur la partie informative de celui-ci, laissant aux politiques la partie décisionnelle. Le service exécute ses tâches à la demande et sous l'instruction et l'autorité du Bureau du Sénat et donc des élus.
En plus, avant de se charger de l'évaluation des lois, le Sénat s'est concerté avec les autres acteurs de la vie publique concernés par la qualité de la législation, c'est-à-dire la Chambre des représentants et le gouvernement, mais aussi la Cour de Cassation, la Cour d'Arbitrage et la Court européenne, qui sont lesmieux placées pour déceler les défaillances de la législation existante.
Voilà, chers Collègues, comment le Sénat de Belgique a décidé récemment d'entamer un tra vail d'évaluation des lois qui lui permettra de simplifier le paysage legislatif de délegifier si necessaire et d'infirmer cette exclamation insupportable de l'un des personnages de Kafka: «Quel supplice que d'être gouverné par des lois que l'on ne connaît pas». C'est là non seulement un défi de l'évaluation législative, mais aussi de la démocratie.